Films

Alyah

Chronique douce-amère (le retour)

Bien accueilli par la critique, le film d’Elie Wajeman laisse pourtant un goût d’inachevé : Alex, petit dealer harcelé par un frère à la ramasse auquel il ne sait pas dire non, sans attaches familiales en dehors de son impossible frangin, veut faire son alyah en Israel, profitant ainsi d’une judaïté dont il n’a a priori jamais rien pensé de particulier.

Le film raconte sa préparation au départ, entre recherche de fric, certificats et visa à obtenir, retours vers le passé et rencontre amoureuse inopinée qui ne le fera pas changer d’avis. Lassé de son inexistence à Paris, ses motifs sont avant tout négatifs. Bien. La mythologie du retour en terre sainte ne passera pas par Elie Wajeman, qu’on se le dise. Ceci correspond sans doute à une réalité pour nombre d’émigrants en Israël, mais alors, il aurait fallu traiter le sujet jusqu’au bout, en montrant le devenir de ce flottement essentiel qui hante Alex une fois confronté à la vie en Israël. Dire à un réalisateur ce qu’il aurait du faire constitue certes un travers critique aussi arrogant qu’inopérant. Pourtant, il me semble qu’ici se trouvait le véritable intérêt du film.
Alex pense échapper à ses démons par l’exil. Sa démarche n’est pas fantasmatique, elle est de survie. En se cantonnant à la description douce-amère de sa vie quotidienne – livraisons de coke et discussions très parisiennes sur l’amour la vie la famille- Wajeman fait disparaître de fait la réalité à laquelle son personnage entend se confronter.
Quel effet produit sur un Parisien pur sucre et un peu dépressif la réalité d’un pays oriental en état de guerre endémique ? La question n’étant pas abordée, le film reste un de ces produits qu’effectivement les parisiens adorent, car il leur tend un miroir complaisant dans lequel ils retrouvent ce qu’ils connaissent déjà (le bobo, la minette piquante, la drogue festive, etc). Par delà la dimension narcissique qui unit dès lors le cinéaste à son public, l’un se mirant dans l’autre, on peut regretter l’absence d’enjeu, la platitude du propos. Me poussant encore une fois à enfreindre un de mes principes (en l’occurrence, le refus de comparer deux réalisateurs), le film de Wajeman m’a fait penser à Desplechins, très sensible lui aussi à un certain univers parisien, intello et marqué par le judaïsme. Desplechins pourtant construit des films puissants, poussés par un souffle narratif qui leur permet d’échapper à la rive gauche. Voilà, c’est cela : Alyah est un film qui sonne juste, mais qui manque de souffle. Un petit flutiau jouant un petit air mignon et désabusé. Rien de plus.

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