Films

Non ma fille, tu n’iras pas danser

De Nantes à Montaigu la digue, la digue…

J’aime bien Christophe Honoré. Les films que j’ai vus de lui, qui certes s’inscrivent dans un registre catalogué (le film rive gauche post nouvelle vague), mais qui dans ce filon vaguement moisi font montre d’une certaine fraîcheur. Le personnage lui-même, qui en interview se révèle d’une lumineuse finesse. Autant dire que j’ai galopé voir son dernier opus. Ahlala, mes amis, mais quelle déception !

La Bretagne…..pourquoi ?

Le stéréotype absolu du film parisien autocentré, chichiteux et plein de vide. La touche Honoré (celle qui normalement donne éclat et brillance) ne prend ici jamais, réduite à des dialogues hyper écrits qui sonnent creux (j’excepte le texte du personnage de Gulwenn, réjouissant) et à un tour de passe-passe qui tombe à plat. Le réalisateur se fend à mi-film d’une scène en costume inspirée d’une légende bretonne, l’histoire de Katell qui ne voulant renoncer ni à la danse ni au mariage, finit emportée par le diable. La scène est très chiante, mais pas totalement  inintéressante : elle montre bien à quel point la Bretagne et les bretons, irrémédiablement, sont sinistres. Même quand ils dansent, MON DIEU….. Bref.

Léna Léna Léna Léna je, Léna je je je

Léna, le personnage central du film, a plaqué mari et boulot d’anesthésiste. Léna en effet veut vivre sa vraie de femme. Mais Léna passe quand même ses vacances dans la grande maison familiale avec son père, sa mère, ses frères et ses sœurs. Et, Léna elle en a marre, marre, et plus que marre. Tout le monde la juge, merde à la fin. Tout le monde il la contrarie. Tiens par exemple, on lui demande de quoi elle va vivre. On lui procure un job de libraire (ça, c’est vraiment immonde). Son ex vient voir ses gosses. Son frère fait des blagues de cul. Sa mère prépare des endives braisées. Etc etc. Non mais tu rends compte, lecteur ? Est-ce que tu rends compte à quel point la famille est odieuse ? Oui, la famille est abjecte, qui vise ainsi à enfermer une femme « que tout entrave » (expression qui a fait florès chez les critiques, merci le dossier de presse…). Alors qu’elle, Léna n’est qu’absolu, liberté, authenticité sans concessions.

Et le sourire de la crémière

Les personnages d’emmerdeuses sont souvent sympathiques, à l’écran du moins : elles ont beaucoup d’esprit, et leur hystérie constitue un bon moteur narratif. Mon irritation quant à Léna vient sans doute de la torsion que fait subir le réalisateur à son histoire, torsion dont je ne parviens pas à démêler si elle provient de sa propre ambiguïté ou de l’aveuglement un peu simplet des critiques projetant sur le film (ahah) leurs propres fantasmes : Léna est une enfant gâtée à la ramasse, que l’on nous présente comme une sainte et martyre crucifiée sur l’autel de la tyrannie familiale. Rien ne l’oblige après tout à se farcir papa maman et le reste si ça la perturbe. Me vient alors à l’esprit une remarque que je m’étais faite sur Christophe Honoré, brillant et séducteur, charmant garçon qui veut le beurre, l’argent du beurre et le reste : homosexuel ET père, aimant les hommes ET les femmes, faisant des livres ET des films Et bien d’autres choses encore, beau ET intelligent ET branché, bref, dans une forme de toute-puissance qui lui réussit plutôt.
Son dernier film, sorte d’autoportrait en femme (et en mère défaillante…), témoigne, peut-être, de cette tension impossible qu’il y a à ne vouloir renoncer à rien. Le personnage joué par Louis Garrel le dit d’ailleurs : ce qui fait une existence, c’est ce à quoi on renonce. Léna ne veut rien lâcher et finit seule, enfermée dans son tout petit nombril. Et nous pendant ce temps, on se dit que les problèmes de petite bourgeoise névrosée, ça reste tout de même bas de l’évier quand c’est traité sans distance.

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